L'immigration en France


LE MONDE  13.10.2016 à partir de l'article de Mathilde Damgé

Petit lexique de l’immigration
Immigré et étranger : un étranger peut être né en France (une personne née sur le sol français de parents étrangers, qui n’a pas la nationalité française à sa naissance, n’est pas immigrée), alors qu’un immigré est forcément né à l’étranger.
Nationalité et séjour : on peut vivre en France pour des raisons familiales, économiques, professionnelles, scolaires, humanitaires (donc y faire un séjour plus ou moins long)… sans posséder la nationalité française. Néanmoins, on peut faire la demande pour l’acquérir (par mariage, par filiation, ou par naturalisation).
Demandeur d’asile et réfugié : tout étranger peut demander une protection à la France contre des persécutions dans son pays d’origine, pour des motifs religieux, politiques ou autres. Tant que la procédure est en cours, il est demandeur d’asile. S’il l’obtient, il passe sous le statut de réfugié.
Regroupement familial : ce dispositif concerne les étrangers vivant en France. En revanche, les immigrés qui ont acquis la nationalité française et veulent faire venir conjoint ou enfant(s) se situent dans le cadre du droit au séjour.
Sans-papiers : l’expression « sans-papiers » désigne les personnes présentes en France sans en avoir le droit, donc de manière irrégulière. Par définition, on ne sait pas combien ils sont sur le territoire, ni depuis combien de temps, ni combien arrivent chaque année.



Situation du nombre de demandes d'asile
Les migrants en situation irrégulière sont, par définition, difficiles à dénombrer. Outre les migrants n’ayant jamais entamé de démarches, un certain nombre de déboutés du droit d’asile ne sont pas effectivement expulsés. La Cimade, un des grands services de soutien aux étrangers, a calculé qu’en moyenne 10 % des déboutés du droit d’asile sont renvoyés. Mais ce chiffre n’est qu’une estimation.

Si l’on regarde les statistiques des demandes d’asile et admissions sur près d’un demi-siècle, la France a, en effet, accordé un nombre record de 19 506 asiles l’an dernier, record lié à la guerre en Syrie et à des conflits plus anciens (Soudan, Irak, Afghanistan).
Mais, d’une part, ces droits d’asile ne représentent qu’environ 30 % des demandes, ce qui se situe dans la moyenne des années précédentes. Et, rapportées à la population (plus de 66 millions de personnes), non, elles ne peuvent être résumées à une « invasion ».
D’ailleurs, le parcours pour obtenir un titre de séjour reste long (216 jours de délai de traitement des demandes en moyenne) et complexe :
selon l’origine géographique du demandeur, le dossier est monté à titre de réfugié, d’apatride, sous le régime de protection subsidiaire, ou encore en procédure accélérée ;
les migrants peuvent être « dublinés », c’est-à-dire, aux termes du règlement de Dublin, être renvoyés dans le pays européen où ils ont laissé leurs empreintes avant leur arrivée en France ;
les préfectures font parfois barrage en limitant le nombre de procédures, en délivrant des informations incomplètes, en ne les traduisant pas, en refusant la domiciliation auprès d’une association…
si sa demande d’asile n’est pas acceptée, le migrant peut se tourner vers une instance d’appel : la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui peut demander un nouvel examen. Or, la CNDA est encore plus engorgée que l’Ofpra : les délais peuvent s’étaler sur deux ans, voire plus…
Quant au regroupement familial, il répond, lui
aussi, à des contraintes très précises de résidence et de vie commune. Cette procédure, souvent critiquée comme une porte béante à l’immigration, a concerné moins de 12 000 personnes en 2015, un chiffre stable sur dernières années.

Attribution des minima sociaux aux migrants

En France, il existe une dizaine de minima sociaux, qui répondent à des critères très précis d'attribution. Et cette complexité dans le système de distribution s'applique en premier lieu aux migrants.
Une allocation de 8,40 euros par personne et par jour
Il existe toutefois un cadre général défini par Bruxelles. La directive européenne « accueil » du 26 juin 2013 oblige les Etats membres à proposer un « niveau de vie adéquat [aux demandeurs d'asile] qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale ». Elle impose que les demandeurs d'asile puissent être logés et de couvrir leurs besoins fondamentaux, au besoin par une allocation.
En France, cette allocation a été modifiée en 2015, dans le cadre de la réforme de l'asile. L'allocation temporaire d'attente (ATA) et l'allocation mensuelle de subsistance (AMS) ont fusionné pour donner naissance à l'aide aux demandeurs d'asile (ADA).
Son montant varie en fonction de la composition familiale, des ressources et du mode d'hébergement – les pouvoirs publics ont fondé leur budget sur un montant moyen de 8,40 euros par personne et par jour, soit 252 euros mensuels. Mais des associations constatent que ces montants sont beaucoup moins avantageux pour les demandeurs qui ne sont pas hébergés dans des centres d'accueil.
Il faut préciser que le processus d'allocation n'est pas automatique et que des personnes pourtant couvertes par la convention de Genève, car en demande de protection, doivent patienter pour y accéder. Par ailleurs, un refus d'hébergement d'urgence entraîne la perte des droits à l'allocation.
Pas d'allocation familiale ni de RSA, sauf pour les réfugiés
Contrairement aux réfugiés, les demandeurs d'asile, et bien évidemment les migrants en situation irrégulière, ne sont éligibles ni à une allocation familiale ni au revenu de solidarité active (RSA, environ 530 euros par mois pour une personne seule). Ils peuvent tout au plus bénéficier de certaines aides relatives aux enfants.
Le RSA, accessible aux personnes âgées de plus de 25 ans, n'est accordé aux étrangers (hors Union européenne) qu'à la condition d'avoir depuis au moins cinq ans un titre de séjour permettant de travailler en France, ou d'avoir le statut de réfugié ou d'être titulaire de la carte de résident. Il faut, en outre, que cette résidence soit « stable et effective » (plus de neuf mois par an).
Il y a des exceptions, notamment pour les apatrides ou les mères isolées. Mais globalement, la part des étrangers non communautaires dans les bénéficiaires du RMI, puis du RSA, n'a pas varié, oscillant autour de 13 % des allocataires (à fin décembre 2015, on compte en métropole 232 000 étrangers non communautaires parmi les 1 709 000 bénéficiaires du RSA socle).
Une famille étrangère en situation régulière peut aussi prétendre à des prestations familiales, mais à condition d'avoir des enfants vivant auprès des parents et à leur charge. Les enfants doivent être nés en France, être venus dans le cadre du regroupement familial ou avoir un parent reconnu réfugié – selon la Convention internationale des droits de l'enfant, un enfant étranger ne peut pas être privé d'un droit du fait de la situation administrative de ses parents.
Les étrangers en situation régulière sont également éligibles aux aides au logement (APL, ALF et ALS) sous condition de ressources. Par contre, les travailleurs détachés temporairement et non affiliés à la Sécurité sociale n'ont pas droit aux prestations de cet organisme, notamment aux allocations familiales.
Les allocations ne sont pas supérieures au RSA
Quant à considérer les allocations plus « rentables » que le travail, c'est un cliché qui a la vie dure. Immigré ou pas, le RSA – qui remplace depuis 2009 le RMI – est conçu pour ne pas dépasser 62 % du revenu minimal (smic), avec un bonus en fonction du nombre éventuel d'enfants.
Et toucher une autre aide, par exemple des allocations familiales, auxquelles toute famille a droit, quels que soient ses revenus, entraîne mécaniquement une diminution du montant du RSA. Toute autre allocation provoque le même effet.
Une fraude au minimum vieillesse ?
Dernier exemple, celui des bénéficiaires du minimum vieillesse (allocation de solidarité aux personnes âgées ou ASPA), certains dénonçant la mainmise d'étrangers qui, n'ayant jamais cotisé en France, viendraient le toucher sur le territoire.
En réalité, pour bénéficier de l'ASPA, il faut, outre des conditions de ressources, résider régulièrement en France (plus de six mois par an) et, soit détenir depuis au moins dix ans un titre de séjour autorisant à travailler, soit être réfugié, apatride ou avoir combattu pour la France. La proportion d'étrangers (hors UE) parmi les bénéficiaires de l'ASPA reste stable, autour de 30 %.

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