Le Monde du 9 août 2017  
Clémentine Thiberge

   D'ici à 2100, le climat affectera deux Européens sur trois  

Selon une étude, le réchauffement pourrait entraîner 152 000 morts par an à la fin du siècle. Le Sud sera le plus touché


Canicules, tem-pêtes, inondations… En  2100, deux Européens sur trois pourraient être affectés par des événements climatiques extrêmes, selon une étude publiée vendredi 4  août dans la revue The Lancet Planetary Health.

Ce travail, mené par une équipe du Centre commun de recherche de la Commission européenne, met en évidence la vulnérabilité des populations d'Europe face au réchauffement. Giovanni Forzieri, chercheur en sciences de l'environnement et premier auteur, alerte : " Le changement climatique est l'une des plus grandes menaces du XXIe  siècle pour la santé humaine. A moins que le réchauffement soit freiné d'urgence, environ 350  millions d'Européens pourraient être exposés annuellement à des extrêmes climatiques néfastes d'ici à la fin du siècle - contre 25  millions au début des années 2000 - . "

Les chercheurs ont retenu le scénario  le plus probable selon une majorité de scientifiques  d'une augmentation de température moyenne d'environ 3  °C d'ici à 2100. Dans ces conditions, le nombre de morts liées aux catastrophes associées au dérèglement climatique en Europe serait multiplié par cinquante, passant de 3 000 décès annuels entre 1981 et 2010 à 152 000 à la fin du siècle.

Les scientifiques ont analysé les effets des sept types de catastrophes les plus meurtrières (vagues de chaleur ou de froid, feux de forêt, sécheresses, inondations fluviales et côtières et tempêtes) dans les vingt-huit pays de l'Union européenne, ainsi que la Suisse, la Norvège et l'Islande. En s'appuyant sur 2 300 sinistres survenus de 1981 à 2010, ils ont combiné les projections climatiques aux flux de populations.

Vagues de chaleur meurtrières
" Cette étude est intéressante, car elle part d'une base de données très importante et de qualité, souligne Robert Vautard, directeur de recherche au CNRS spécialisé dans les sciences du climat européen. C'est le premier rapport aussi complet sur les événements extrêmes en Europe, mais aussi sur l'exposition des populations à ces événements. "

Selon les auteurs, les vagues de chaleur seront les aléas les plus meurtriers, causant 99  % du total des morts. Les inondations côtières, en grande partie liées à l'élévation du niveau des mers, augmenteront également de manière exponentielle.

Outre une multiplication par quarante du nombre de morts dont elles sont responsables, elles provoqueront des dégâts matériels considérables. Les incendies, les inondations et les tempêtes connaîtront des progressions de moindre ampleur, mais pourraient affecter des pays habituellement moins exposés aux aléas du climat, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni.

Car face à ces désastres, les pays ne sont pas égaux. Les disparités Nord-Sud face au réchauffement se retrouvent à l'échelle de l'Europe. En raison de l'augmentation des vagues de chaleur et des sécheresses, l'influence du climat sera beaucoup plus importante dans le Sud du continent (Grèce, Italie, Espagne). Chaque année, la totalité de la population pourrait y être affectée par une catastrophe climatique. Avec 700 décès annuels pour un million d'habitants, le climat deviendrait la première cause de mortalité liée à l'environnement, devant la pollution de l'air.

A l'inverse, dans le Nord de l'Europe, les vagues de froid pourraient disparaître. " Mais cela ne sera pas suffisant pour compenser les inondations côtières ou les sécheresses ", souligne Giovanni Forzieri. Un Européen du Nord sur trois pourrait ainsi être affecté par le climat chaque année.

Mais ce scénario n'est pas inéluctable. " Si l'accord de Paris sur le climat est respecté, les résultats de cette étude pourraient être légèrement moins catastrophiques, estime Robert Vautard. En revanche, si rien n'est fait, le nombre de personnes affectées va exploser. "

Il reste donc possible d'inverser la tendance. Outre une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre pour limiter la hausse des températures, plusieurs solutions sont envisageables pour en réduire l'impact : un aménagement urbain adapté, de meilleures isolations thermiques dans les habitations, un changement d'usage des sols… Une organisation adaptée du système de santé permettrait également une meilleure prévention.

" Il y a un besoin urgent de politiques rigoureuses d'atténuation du changement climatique, mais aussi d'adaptation, insiste Giovanni Forzieri. Et ce, pour tous les pays. " A commencer par la France, qui fait partie des territoires les plus exposés aux événements extrêmes futurs.

Clémentine Thiberge

Thématique Ecologie