Un bilan mitigé du quinquennat sur l'égalité femmes-hommes
Le Monde du 11 janvier 2017 Gaëlle Dupont
Si
des avancées ont eu lieu, elles restent insuffisantes, estime
l'association laboratoire de l'égalité, dans un état des lieux publié
mardi 10 janvier
Malgré le volontarisme affiché par la gauche depuis son
arrivée au pouvoir, un très long chemin reste à parcourir pour
atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est le constat
que dresse le Laboratoire de l'égalité,
think tank féministe à l'origine d'un pacte pour l'égalité signé
par plusieurs candidats à l'élection présidentielle de 2012, dont
François Hollande. L'association, qui s'intéresse à la parité, à
l'égalité professionnelle et à l'implication des deux sexes dans la
sphère domestique, publie, mardi 10 janvier, un bilan mitigé du
quinquennat.
" Il y a eu des avancées, mais elles ne sont pas suffisantes,
résume Olga Trostiansky, sa présidente, ancienne élue (PS) à la mairie
de Paris, aujourd'hui en poste dans une grande banque. Nos membres sont
des personnes très engagées et ambitieuses sur ces sujets. Leur regard
est forcément critique. "
Côté positif, la période a été marquée par une ambition
nouvelle, incarnée par la nomination en 2012 de Najat
Vallaud-Belkacem à la tête d'un ministère de plein exercice chargé des
droits des femmes, le premier depuis 1981. Après une parenthèse (la
nomination de Pascale Boistard à la tête d'un secrétariat d'Etat
d'août 2014 à février 2016), la thématique a de nouveau été
confiée à une ministre, Laurence Rossignol, également chargée de la
famille.
La loi du 4 août 2014 sur l'égalité entre les femmes et
les hommes contenait en outre des mesures concrètes, comme la parité
dans les conseils départementaux, les fédérations sportives ou les
chambres de commerce. Les listes devront également être paritaires lors
des prochaines élections de représentants du personnel dans les
entreprises. " Mais les têtes de liste restent majoritairement des
hommes et les attributions de compétences dans les exécutifs locaux
restent encore trop stéréotypées avec les femmes élues concentrées dans
les domaines considérés comme les plus “mineurs” (éducation, social) ",
relève l'association.
Abandon des ABCD de l'égalité
Pour la première fois, des sanctions financières ont été
décidées contre les entreprises ne respectant pas l'égalité salariale.
Un peu plus d'une centaine ont payé des pénalités depuis janvier
2013. Désormais, 91 % des grandes entreprises sont couvertes par
un accord en faveur de l'égalité professionnelle, mais seulement
35 % des entreprises de 50 à 299 salariés. Les salaires des
hommes restent supérieurs de 28 % à ceux des femmes (19 %
si la différence due au temps de travail est neutralisée). " Le
principe à travail égal, salaire égal, carrière égale, n'est toujours
pas respecté ", observe Sarah Saint-Michel, maître de conférences à
l'université Paris-Sorbonne, membre du conseil d'orientation du
laboratoire. " La lutte contre la précarité et le temps partiel, subis
en majorité par des femmes, a été insuffisante ", poursuit-elle.
Autre déception, l'abandon des ABCD de l'égalité, un
dispositif de sensibilisation à l'égalité entre les sexes dès l'école,
expérimenté à partir de 2013 et présenté comme la pierre angulaire de
la politique du gouvernement pour plus de mixité dans les différentes
filières de formation, et à terme dans les différentes branches
d'activité et métiers. Il a été abandonné en novembre 2014 sous
la pression de groupes conservateurs, et remplacé par une formation
plus classique des enseignants.
Même bilan en demi-teinte concernant l'implication des hommes
dans les tâches familiales. Les pères sont désormais incités à prendre
une partie du congé parental (variable selon la durée du congé), mais
de façon trop limitée, selon l'association (un an sur le congé de trois
ans), alors que les mères le prennent toujours à 96 %. La
campagne de lutte contre les stéréotypes #sexismepasnotregenre " arrive
bien tard et reste cantonnée aux cercles d'initiés ", affirme
l'association.
Signe que le chantier est inabouti, plusieurs candidats à la
primaire placent le sujet parmi leurs priorités, dont… l'ancien premier
ministre Manuel Valls. Ce dernier fixe l'objectif ambitieux de diviser
par deux les inégalités salariales en cinq ans et de les faire
totalement disparaître en dix ans, en mobilisant les partenaires
sociaux, et si besoin par une nouvelle loi. Benoît Hamon, lui, envisage
" l'interdiction de tout financement public " aux partis ne respectant
par l'obligation de parité dans les candidatures aux législatives.
Il propose également d'aligner le congé paternité sur le
congé postnatal dont bénéficient les mères. Signe que le thème fédère,
tous les candidats à la primaire lui consacrent un chapitre plus ou
moins précis, à l'exception d'Arnaud Montebourg, qui n'avance à ce jour
aucune proposition.