Immigration et diversité
Le monde associatif lance des Etats généraux des migrations
Les grandes associations et
de nombreux collectifs locaux d’aide aux migrants se regroupent pour
montrer le visage de la France qui accueille.
LE MONDE | 20.11.2017
Par Maryline Baumard
Tous sous une même bannière !
Mardi 21 novembre, 470 associations et collectifs d’aide aux migrants
lancent les Etats généraux des migrations. Ils se veulent une émanation
de cette France de l’accueil qui n’a pas réussi à parler d’une même
voix depuis 2014, et espèrent ensemble peser face à la politique du
gouvernement.
Pour la première fois depuis
2008, Amnesty International, le Secours catholique, la Croix-Rouge
française, Médecins du monde mais aussi le Gisti ou Emmaüs
International se retrouvent dans un mouvement unitaire aux côtés d’une
longue liste de collectifs locaux qui jusqu’alors cantonnaient leur
mission à une aide aux migrants, sans s’inscrire dans une expression
plus politique. Les P’tits Dej’ à Flandre, Terre d’errance ou Paris
d’exil feront eux aussi entendre leur voix, en écho à celle de Roya
citoyenne et de nombreux mouvements catholiques ou protestants.
Cahiers de doléances
Une bonne partie du mouvement
citoyen d’accueil des migrants se met ainsi en ordre de marche.
Symboliquement, les premières actions auront lieu le 18 décembre,
journée internationale des migrants. Des cahiers de doléances seront
ouverts et commenceront à être noircis par les 470 communautés
partantes. Dans la foulée, des concertations seront décentralisées
partout en France avec interpellation et mobilisation citoyenne en
réaction au projet de loi sur l’immigration que prépare le ministère de
l’intérieur pour début 2018.
Les associations veulent
aussi rendre plus visible cette « chasse aux migrants qui continue dans
les Alpes, près de Calais et partout en France, tandis que les procès
de citoyens solidaires se succèdent », comme le précise Violaine
Carrère, juriste au Gisti et membre du comité de liaison.
« On a longtemps laissé faire
mais désormais, face à la situation de violence contre les migrants, à
la multiplication des interpellations de citoyens solidaires et à la
préparation d’un projet de loi très répressif, il nous fallait agir,
dire haut et fort que cette politique n’est pas menée en notre nom »,
observe Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale d’Emmaüs international.
Son association est l’une des
premières à s’être mobilisées à force de voir, depuis l’arrivée
d’Emmanuel Macron à l’Elysée, des compagnons d’Emmaüs convoqués par la
police et des responsables de centre auditionnés au sujet des
sans-papiers qu’ils aident.
Les différences d’approche mises entre parenthèses
En janvier déjà, les
associations marquées à gauche, mais aussi des mouvements catholiques,
avaient commencé à se compter, élaborant une carte de France baptisée
#LaPreuveParNous, qui regroupe 1 097 initiatives diverses d’aides aux
nouveaux venus sur tout le territoire. Les répondants de ce premier
appel sont aussi ceux qui ont signé une tribune le 17 juin sur le site
Mediapart. Intrigué par la liste des 470 signatures, l’Elysée a reçu
des émissaires, six organisations nationales et six collectifs locaux.
« Le pouvoir en place voulait
bien des états généraux sur l’alimentation, mais pas sur les
migrations. D’autant que sur notre sujet, ils nous ont dit avoir déjà
leur feuille de route », observe rétrospectivement un des invités. Le
12 juillet a en effet été annoncé le « plan migrants » du gouvernement…
« Cette fin de non-recevoir a fini de nous convaincre de la nécessité
d’organiser nos états généraux sans l’Etat », ajoute le même
interlocuteur.
Mettant donc entre
parenthèses les différences d’approche au sein de ce paysage
multiforme, 110 représentants de 80 associations se sont une nouvelle
fois retrouvés à Paris dans les locaux d’Amnesty International, le 7
octobre, pour entériner l’idée de cahiers de doléances, avant une autre
réunion pour les derniers calages, largement suivie elle aussi.
Créer un vaste mouvement d’opinion
Prévue pour s’inscrire dans
la durée, cette mobilisation veut agir à la fois « sur la loi migration
qui pourrait passer au Parlement au printemps » et de façon plus
profonde en créant un vaste mouvement d’opinion, organisé, capable de
peser « et de faire comprendre que les Français sont accueillants et
que nous sommes nombreux à ne pas nous reconnaître dans la politique
menée aujourd’hui », rappelle Camille Champeaux du Centre de recherches
et d’information pour le développement, l’instance qui coordonne.
Aux côtés de Cédric Herrou,
de nouvelles voix issues de dizaines de collectifs sont partie
intégrante du dispositif. Dans la Roya, d’ailleurs, afin de sortir du
tête-à-tête stérile entre le préfet et Cédric Herrou – une nouvelle
fois assigné en justice lundi 20 novembre –, un collectif baptisé Les
Amis de la Roya citoyenne pose son acte de naissance lundi à Paris et
sera acteur des états généraux. Il est parrainé par plusieurs centaines
d’artistes, intellectuels et politiques, d’Agnès Jaoui à Jacques
Testart en passant par Annie Ernaux ou Jean-Luc Mélenchon.
Les représentants des grandes
associations nationales, emblématiques du secteur, abordent eux la
période avec l’expérience de leur dernière importante mobilisation sur
le sujet, il y a neuf ans. Sous l’ère Sarkozy, un collectif citoyen qui
offre bien des points communs avec celui de 2017, avait réussi à monter
un Sommet citoyen sur les migrations.