Cinq pistes pour trouver sa voie pour guider les jeunes dans leurs choix
Le MONDE Jeudi 6 décembre 2016 Laure Belot
" Le Monde " a interrogé 35 acteurs innovants du XXIe siècle pour guider les jeunes dans leurs choix
Pour trouver sa voie, il faut être à l'écoute de soi-même ",
conseille -depuis le Togo Sénamé Koffi -Agbodjinou, architecte et
anthropologue, conscient néanmoins que l'introspection n'est pas facile
quand on a entre 16 et 20 ans. " Ce n'est pas évident
d'entendre sa petite voix, -confirme -Bertin Nahum, fondateur de
Medtech (Zimmer), mais la vie est trop courte pour s'engager dans un
chemin qui ne nous correspond pas. " Pour Aimee van Wynsberghe,
présidente de la fondation Responsible Robotics aux Pays-Bas, l'idéal
est même d'" aimer ce que l'on fait, au point de ne plus avoir
l'impression de travailler ". Et d'être ainsi capable de s'investir
totalement dans son projet.
Découvrir sa passion
" Que votre passion relève du domaine sportif, artistique,
culturel ou économique, peu -importe, estime Pierre Dubuc, cofondateur
d'OpenClassrooms. On sait que l'on va être bon là où l'on prend du
plaisir. Voilà ce qui est -important : il faut être extrêmement motivé
par quelque chose pour devenir excellent dans sa spécialité.
L'expertise et la passion sont liées. "
Oui, mais que faire si l'on n'a pas de passion ? " Trouvez-la
! lance Jean-François Ouellet, professeur à HEC Montréal. Tout le
monde a une passion, il s'agit simplement de la découvrir, en
voyageant, en allant à la rencontre des autres pour comprendre ce qui
véritablement nous fait vibrer. " " Il faut le faire, répète
l'enseignant, parce que sans passion, il est bien --dif-ficile de
passer par-dessus les embûches et d'aller jusqu'au bout des choses. "
Oser cheminer sans se limiter
L'important est de réussir à ne pas se brider. " Ne pensez
pas aux normes de la société, ne vous fixez pas de limite ", insiste
Ismaël Le Mouël, président de HelloAsso. " Lorsque j'étais en
classe préparatoire, raconte-t-il, je -visais une école d'ingénieurs.
Mon professeur de mathématiques m'avait alors dit : “Non, non, ne vise
pas celle-là, pense plutôt à celle tout en haut et tu verras bien
après.” De fait, cette -technique a assez bien fonctionné ! " " Il faut
faire sauter tous les blocages ", poursuit -Amélie Edoin, directrice du
Labo des histoires Ile-de-France-Ouest. Et de marteler : " Les grandes
écoles ne sont pas réservées à une élite. Elles sont réservées aux gens
qui ont les moyens de réussir intellectuellement et qui se surpassent
pour réussir. "
Pour Thomas Schenck, cofondateur de -Connect'O, le défi est
d'être " à la fois ambitieux et humble : il faut être lucide sur ce que
l'on est, sur ses qualités comme sur ses défauts. Si vous savez vous
remettre en question, alors l'ambition vous permettra d'aller très loin
".
Ne pas s'arrêter en cas d'échec
" Oui, certains vont se tromper. Oui, leur -parcours ne sera
pas linéaire, et alors ? lance -Sébastien Bazin, PDG d'AccorHotels.
Oui, on a le droit de connaître enfin son parcours à 27
ans, car ça n'est pas parce qu'on a 22 ans qu'on doit être
en mesure d'appréhender le monde de demain. Il y a des gens qui entrent
dans le monde du travail à 32 ans et ils sont aussi bons,
ça leur a pris cinq ans de plus, ça n'a aucune espèce
d'importance. " Ludwine Probst, développeuse et cofon-datrice de
-Ladies of Code -Paris, renchérit : " Ce n'est pas parce que l'on
décide à un moment de suivre une voie que l'on ne pourra pas bifurquer.
Quand j'avais 16 ans, je me disais qu'il fallait tout -réussir
tout de suite. En fait, quand on veut aller d'un point A à un
point B, on n'est pas obligé d'aller tout droit, on peut tout à
fait -passer par D, C, F… Il existe des passerelles : je
rencontre de nombreuses personnes qui changent de métier à
30 ou 35 ans et qui -apprennent encore. "
Multiplier les expériences
" Pour apprendre à se connaître, le conseil -numéro un que je
donnerais est de se lancer dans des projets. Le simple fait de réaliser
-quelque chose vous apprend à mieux vous comprendre. Cela vous
transforme également ", -estime le mathématicien Cédric -Villani. Pour
Marie -Ekeland, cofondatrice du fonds d'investis-sement -Daphni, ces
expérimentations permettent de " sortir de sa zone de -confort et de
son environnement habituel ". Il est important d'" aller à la rencontre
de dif-férents mondes, poser des questions et ne pas avoir peur
de dire “je ne sais pas, expliquez-moi”. Et ce, jusqu'à ce que l'on ait
compris ", -note-t-elle.
" Regarder à droite et à gauche, faire des stages dans des
entreprises variées pour vraiment savoir ce qui vous plaît et ce qui ne
vous plaît pas. Ce travail personnel est indispensable ", -estime
Sylvain Kalache, cofondateur de la -Holberton School aux Etats-Unis.
C'est finalement ce côté " touche à tout, curieux, qui sort des
sentiers battus que les start-up valorisent déjà et qui va devenir la
norme dans les années à venir ", ajoute Philippe Wagner, cofondateur de
Captain Contrat. L'avocate Lise Damelet -encourage également cette
curiosité. " Butiner sur des fleurs auxquelles on n'avait pas
nécessairement pensé " permet de développer une pensée plus large,
transversale, estime-t-elle, une pensée qui permettra d'être plus
adapté au monde de demain.
Cultiver sa curiosité
Il faut tout lire, affirme le prospectiviste et conseiller de
la Cité des sciences Joël de -Rosnay : " Des livres philosophiques de
grands penseurs, pour acquérir les fondamentaux, à la presse
internationale, pour se familiariser avec la géopolitique. C'est grâce
à cette culture que l'on acquiert des racines nous permettant de
construire une vision systémique globale. "
Marita Cheng, fondatrice de 2Mar Robotics, abonde dans
ce sens. " Soyez curieux du monde. Apprenez autant que vous pouvez, à
l'école et en dehors. " Une ouverture d'esprit que défend aussi le
paléoanthropologue Pascal Picq : " Pour être créatif, il faut regarder
ce qu'il se passe ailleurs, lire, se documenter, échanger avec les
autres. On peut trouver des idées géniales en -allant voir un match de
foot, pourquoi pas. "
Le meilleur conseil est de " ne jamais cesser d'apprendre, ne
jamais penser que l'on a fini son développement et qu'on ne peut rien
faire ou apprendre de nouveau ", conclut, au Kenya, Ory Okolloh,
investisseuse au sein de la fondation Omidyar Network. " Je lis
toujours beaucoup, j'essaie des choses différentes. Cela me maintient
connectée et m'ouvre à de nouvelles opportunités. On n'arrête jamais
d'apprendre, et pas seulement de l'école : on apprend aussi des autres,
des livres, des magazines, des amis, d'Internet. La connaissance est
une quête infinie. "