Prison : la France reste une exception en Europe
Le nombre de détenus baisse sur le continent, mais continue de croître dans l'Hexagone
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Article du Monde 15 mars 2017 J.-B. J.
Alors
que le nombre de détenus en France au 1er mars devrait atteindre,
selon toute vraisemblance, un nouveau record historique, la population
carcérale en Europe connaît une évolution inverse. Selon l'étude
annuelle du Conseil de l'Europe publiée mardi 14 mars, le nombre
de personnes détenues dans les prisons européennes a enregistré une
baisse de 6,8 % en 2015.
Thorbjorn
Jagland, le secrétaire général du Conseil de l'Europe, s'en félicite.
Il y voit " une évolution positive ", selon le communiqué diffusé par
l'organisation intergouvernementale. Car cela correspond aux
recommandations du Conseil en matière de politique pénale. M.
Jagland réaffirme ainsi qu'" un recours accru à des sanctions
alternatives n'entraîne pas nécessairement une augmentation du taux de
criminalité mais peut aider à la réinsertion des délinquants et à la
résolution du problème de la surpopulation carcérale ".
La
France est un des pays à prendre le contre-pied de cette politique. Au
1er février 2017, les prisons françaises comptaient 69 077
détenus, soit 5,4 % de plus qu'au 1er septembre 2015, date
retenue dans l'étude du Conseil de l'Europe. Le paradoxe de la
situation française est que pendant les trois ans et demi passés à la
chancellerie par Christiane Taubira, de mai 2012 à janvier
2016, la volonté gouvernementale était de limiter le recours à
l'incarcération, en particulier pour les courtes peines. Mais les
juges, indépendants, en ont décidé autrement.
La
contrainte pénale, mesure phare de la réforme voulue par Christiane
Taubira et voté en août 2014, destinée à coudre de manière très
encadrée et suivie une alternative sur mesure à la prison, est un
échec. Cette -sanction ne représente aujourd'hui que quelques pourcents
des peines correctionnelles prononcées.
La
comparaison avec les autres pays européens est éclairante, même si
chacun peut y trouver ce qu'il veut. Certains discours politiques, en
particulier dans les rangs du parti Les Républicains, soulignent
régulièrement que la France est plus laxiste que ses voisins en matière
carcérale en s'appuyant sur la moyenne européenne. Un chiffre qui n'a
aucun sens.
Selon
les données du Conseil de l'Europe, le nombre de détenus pour 100 000
habitants est de 98,3 dans l'Hexagone alors que la moyenne européenne
est de 134,7. Mais cette moyenne réalisée sur quarante-quatre pays est
largement marquée par le poids de la Russie (439 détenus pour 100
000 habitants) et la Turquie (220) qui, à elles deux, totalisent
58 % du nombre des personnes incarcérées dans les établissements
pénitentiaires de toute l'Europe.
Surpopulation carcérale
Si
l'on se compare aux pays d'Europe occidentale, la France recourt
davantage à la prison que l'Allemagne (77 détenus pour 100 000
habitants), les Pays-Bas (53) ou même l'Italie (86) mais moins que la
Belgique (113), l'Espagne (137) et surtout le Royaume-Uni (147). Dans
ce groupe de sept pays aux traditions carcérales différentes, seule la
France connaît ces dernières années une tendance régulière à la hausse
du nombre de personnes détenues.
Paris
est périodiquement pointé du doigt par l'institution de Strasbourg pour
son incapacité à résoudre les problèmes de surpopulation carcérale.
Avec une densité carcérale de 113,4 détenus pour 100 places, la
France est un des quinze pays à ne pas respecter la règle de base sur
la condition carcérale. Le programme pour l'encellulement individuel
annoncé en septembre par le gouvernement ne pourra pas, dans la
meilleure des hypothèses, être achevé avant dix ans.
J.-B. J.
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