Le Décodex passe les sites au crible
MODE D'EMPLOI plusieurs services              " Le Monde " s'engage dans l'éducation à l'information Delphine Roucaute


Article du 3 février 2017 Adrien Sénécat
" Le Monde " lance un dispositif pour aider les internautes à repérer les informations les moins fiables.
Attentats, Brexit, présidentielle américaine et maintenant française… Qu'on l'appelleindifféremment " fake news ", propagande, intox ou mensonges, la question de la fiabilité de l'information en ligne ou de son instrumentalisation s'est imposée dans les débats. A l'heure de Facebook, de Twitter et du mobile, s'informer consiste aujourd'hui surtout à savoir trouver des éléments fiables au milieu d'un maelström d'articles, d'images, de vidéos, d'opinions, etc.

Avec Les Décodeurs, créé en  2009 sous la forme d'un blog et devenu une rubrique depuis 2014, Le Monde s'est donné une mission, celle de la vérification de la parole publique (" fact-checking "), qu'il s'agisse de propos politiques ou de rumeurs sur le Web.

Mais ce travail, quels que soient les moyens que nous y consacrons, reste limité : les équipes des Décodeurs repèrent et traitent une à une les informations qui semblent mériter un éclairage. Mais il y a largement plus de rumeurs que de ressources pour toutes les vérifier une à une. D'où cette question récurrente : est-il possible d'automatiser la vérification ou la contextualisation de l'information ? Et si oui, comment ?

Trois outils en un, tous gratuits
Le Décodex, lancé mercredi 1er  février, est l'un des fruits de ce long travail, sur lequel il reste encore beaucoup à faire. Il a pour objectif de fournir au plus grand nombre des outils simples pour apprécier la véracité des informations. Il ne permettra pas de vérifier toutes les rumeurs qui circulent en ligne, mais il offre déjà à chaque internaute les moyens de repérer les plus évidentes d'entre elles, et d'être averti lorsqu'il consulte un site connu pour diffuser de fausses informations.

Le Décodex propose trois outils en un, tous gratuits. Tout d'abord, un moteur de recherche pour trouver un site, par son nom ou son adresse. Ensuite, une extension, c'est-à-dire un petit programme qui peut être ajouté à son navigateur, et qui signalera, au fur et à mesure de la navigation, par une fenêtre, si le site est fiable ou non. Précisons-le : aucune information personnelle n'est enregistrée par nos outils. Nous proposons également un " robot " Facebook, que vous pourrez interroger pour savoir si un site est fiable, et qui pourra vous dispenser des conseils pour vérifier une information. Enfin, nous proposons une série d'articles et de vidéos expliquant comment vérifier une information, une image, un sondage…

Les Décodeurs du Monde.fr ont référencé un peu plus de 600  sites d'information, classés selon une " grille " méthodologique, qui prend en compte non leur orientation politique ou idéologique, mais avant tout leur fiabilité journalistique : publient-ils des informations vérifiées ? Donnent-ils leurs sources ? Les auteurs sont-ils identifiés ?

La démarche part d'un constat récurrent : souvent, les lecteurs peuvent être bernés. On peut citer l'exemple d'un site comme IVG.net – il fait partie d'un réseau de vrais-faux sites d'information sur l'avortement, en réalité tenu par des militants opposés à l'interruption volontaire de grossesse –, ou de faux portails d'information locale, qui sont en fait tenus par des militants d'extrême droite.

Avec les réseaux sociaux, il est très simple de se donner les atours d'un site d'information sérieux pour mieux diffuser sa propagande. Notre outil doit permettre à l'internaute de savoir qu'il ne se trouve pas sur un site " neutre ", mais sur un organe militant.

Eviter la confusion sur les sources
Face à des faux sites de plus en plus sophistiqués, il s'avère difficile de savoir à qui l'on a affaire. Cette situation crée un réel désarroi chez de nombreux internautes, qui finissent par ne plus savoir s'ils consultent un site d'information, un site parodique, ouun faux nez, alimenté par un groupuscule d'extrême droite.

Pendant la campagne présidentielle américaine, des centaines de milliers d'internautes ont, par exemple, été piégés par un article en ligne affirmant que le pape François aurait soutenu le candidat républicain Donald Trump.

D'où la nécessité d'indexer également les grands sites de médias, les blogs, et même les pages Facebook, les comptes Twitter et les chaînes YouTube. Cela permet de certifier à  l'internaute qu'il se trouve bien sur le site Lemonde.fr et pas, par exemple, sur un faux site qui utiliserait son nom.

Il s'agit d'un travail de longue haleine, qui se veut également collaboratif : à chaque fois que l'internaute est confronté à une source inconnue, il pourra, à terme, solliciter les équipes des Décodeurs pour obtenir des réponses et pour demander l'ajout de la source à la base de données de l'outil.

Il ne s'agit pas de censurer
Notre outil est fondé sur une grille de lecture simple, qui vise avant tout à établir si les informations présentées sont fiables, quelle que soit l'orientation politique de l'émetteur : reprend-il des informations d'autres sources ? Les cite-t-il ? Met-il en avant tous les arguments ? A-t-il souvent publié des informations fausses ?

Il vise aussi à préciser, le cas échéant, qui dirige, écrit, possède le site ou canal sur le réseau social en question. Il n'est pas destiné à " censurer " quoi que ce soit : d'une part, son utilisation est totalement libre ; ensuite, même une fois installé, l'outil n'empêche en rien de consulter le site ou le compte sur un réseau social.

Ce n'est qu'un début. Les Décodeurs souhaitent améliorer et compléter cet outil – en fonction des remarques et des critiques des internautes – et lui adjoindre d'autres fonctionnalités. L'objectif est aussi de mobiliser une communauté d'internautes volontaires pour épauler les équipes sur ce projet. Celles-ci travaillent également avec des chercheurs autour de la question de l'automatisation des vérifications, ce qui contribuera à enrichir cet outil.

Notre outil Décodex est une première étape, sans doute insuffisante, mais qui, nous l'espérons, servira au plus grand nombre.

Adrien Sénécat



MODE D'EMPLOI plusieurs services
Une base de données et un moteur de recherche
Nous avons indexé 600  sites classés en cinq catégories : collectif, parodique, très peu fiable, peu fiable et plutôt fiable. Cette base est accessible  pour les abonnés au journal www.lemonde.fr/verification
Des "  extensions  "
Les extensions sont de petits programmes qui s'installent sur votre navigateur. Au fur et à mesure de votre navigation sur Internet, si vous tombez sur un site peu fiable, une fenêtre vous avertit.
Un "  robot  " Facebook
Sur le réseau social, vous pourrez dialoguer avec un programme qui vous donnera des informations sur les sites.
Des "  kits  " pédagogiques
De nombreux conseils pour vous apprendre à vérifier l'information.



Le Monde Article de Delphine Roucaute

" Le Monde " s'engage dans l'éducation à l'information

Nos journalistes proposent des interventions dans les collèges et les lycées, à partir de contenus  pédagogiques destinés aux lecteurs
En parallèle du Décodex, ce guide créé par l'équipe des Décodeurs qui permet de vérifier la fiabilité d'un site Internet, s'est développé un projet qui a très vite fusionné avec lui. Car ils sont tous les deux nés d'une même nécessité : rendre le flux d'informations continu plus lisible et plus compréhensible, notamment pour nos jeunes lecteurs. Pour ce faire, Le Monde a décidé de s'engager dans une démarche d'éducation à l'information, à destination des collégiens et des lycéens, par le biais d'interventions en classe et par la mise à disposition, sur son site Internet, de contenus pédagogiques.

Ce projet est né d'un constat : toutes les démarchesde pédagogie que nous lançons au quotidien à travers nos articles ou par l'intermédiaire d'opérations plus ponctuelles comme le Décodex sont essentielles. Mais nos articles ne s'adresseront jamais qu'à nos lecteurs ou – du moins – à des personnes qui ont l'habitude de s'informer. Alors, comment donner au plus grand nombre les clés de compréhension pour -naviguer dans l'océan de l'offre médiatique ?

La question est d'autant plus grave à une époque où tant de fausses informations, rumeurs et autres complots sont diffusés à grande échelle sur les réseaux sociaux, ces plates-formes d'échanges devenues médias, et où les recommandations de nos contacts valent hiérarchie de l'information.

A tel point que Facebook a été accusé d'avoir influencé l'issue de l'élection américaine de novembre  2016, en laissant proliférer les fausses informations. C'est à cette occasion que s'est popularisée l'expression " fake news ", qui désigne les informations volontairement trompeuses empruntant les codes et la présentation de la presse traditionnelle. Un ennemi difficile à combattre, puisqu'une analyse ne sera jamais autant diffusée que le mensonge d'origine.

Au-delà de notre travail quotidien de journalistes,il nous a semblé essentiel de revenir à la base du problème, et d'expliquer aux adolescents, particulièrement vulnérables aux fausses nouvelles, ce qu'est une information, pour qu'ils apprennent à adopter, pour eux-mêmes, des réflexes journalistiques. Ceux que tout le monde devrait avoir en tête quand il lit, écoute ou regarde un document. Ce que je lis, est-ce une information, une opinion, une rumeur ? D'où vient-elle ? Est-ce du discours rapporté ? Cette image que je vois, de quand date-t-elle ? A-t-elle déjà été utilisée dans un autre contexte ? Etc.

Lecture critique et distanciée
Pour toutes ces raisons, Le Monde a décidé de s'engager dans l'éducation à l'information. Notre objectif est de participer à l'effort- -déployé par l'éducation nationale depuis la rentrée 2016 et de donner aux élèves les clés pour une lecture critique et distanciée de ce qu'ils lisent ou consultent tous les jours à la télévision ou sur leur smartphone via Facebook, -Twitter, Snapchat et autres réseaux sociaux.

En complément du Décodex lancé jeudi 1er  février sur Lemonde.fr, nos journalistes ont mis à disposition des internautes une série de fiches pédagogiques destinées à guider leur lecture au quotidien.

Nous expliquons notamment pourquoi il est important de vérifier une information avant de la partager, la manière dont on peut juger la fiabilité d'un site ou vérifier une rumeur qui circule sur les réseaux sociaux. Des vidéos déclinant ces thématiques sont également en ligne et peuvent servir de support aux enseignants pour leurs cours. En outre, nous avons développé un kit pédagogique à destination des professeurs, qui comprend des exercices pratiques.

Pour tenter de répondre un peu plus à la demande des enseignants, un groupe de journalistes volontaires s'est constitué au Monde, prêt à aller faire des interventions en classe, sur la base de ces contenus, et pour expliquer leur métier, dans une tentative de démystifier toujours un peu plus les idées qu'on se fait d'une -profession si visible et si peu connue à la fois.

D'ici à la fin de l'année scolaire 2016-2017, nous tâcherons d'intervenir dans différents établissements, aussi bien généraux que professionnels, de la 6e à la terminale. Cette première phase exploratoire nous permettra, grâce aux retours des élèves et des professeurs, de proposer un projet pédagogique plus ambitieux pour la rentrée de septembre  2017.

Aussi, nous lançons un appel aux enseignants intéressés par cette démarche et les invitons à nous contacter pour organiser une rencontre avec leur classe avant le début du mois de juillet.

Delphine Roucaute

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